Ce livre d'Henry Rousso constitue une étape décisive dans l'affirmation d'une histoire de la mémoire. Revisitant une zone d'ombre de l'histoire nationale, son livre s'ouvre lorsque Vichy n'est plus un régime politique en exercice, et se veut une histoire des métamorphoses de la mémoire collective de Vichy dans la conscience nationale de 1944 à nos jours. En défaisant les mythes du pétainisme, masquant la réalité des années de l'Occupation, l'historien montre qu'au travail de deuil de 1944-1954 suit le temps du refoulement, puis celui du retour du refoulé en 1971, avant la transformation de la névrose traumatique en phase obsessionnelle après 1974. Traumatismes, blessures, cicatrices, autant de mots renvoyant à un niveau pathologique de la mémoire nationale, celle d'une France malade d'un "passé qui ne veut pas passer". Appliquées à la mémoire collective, les catégories psychanalytiques font ici, pour la première fois, bon ménage avec un travail d'historien. --Hervé Mazurel